Quand la crise vient bousculer l’éthos professionnel entrepreneurial des leaders entrepreneursReconfiguration des normes professionnelles entrepreneuriales genrées et leurs effets sur les attitudes et pratiques des leaders entrepreneurs en contexte de

Titre : Quand la crise vient bousculer l’éthos professionnel des leaders entrepreneur.es Sous-titre : Reconfiguration des normes professionnelles genrées et leurs effets sur les pratiques des leaders entrepreneur.es en contexte de crise Les représentations sociales de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat demeurent profondément genrées au masculin (Ahl, 2006; Ahl & Marlow, 2012; Dean & Ford, 2017; Due Billing & Alvesson, 2000; Eagly & Heilman, 2016; Lewis, 2015; Ogbor, 2000) malgré les efforts menés par les institutions pour faire évoluer ces normes sociales. Ces normes professionnelles, transmises et apprises par les différents processus de socialisation (familiale, éducative, professionnelle) sont ancrées profondément et durablement chez les entrepreneur.es (Pailot et al., 2022). Elles participent à la constitution d’un « éthos professionnel entrepreneurial » marqué par le masculin. La notion d éthos peut constituer un outillage conceptuel particulièrement pertinent « pour saisir et interpréter des récurrences de comportements rapportées à des catégories sociales et à des milieux sociaux. » (Fusulier, 2011, p.7). « L’ethos professionnel constitue un dénominateur commun à un ensemble d’individus pratiquant une activité similaire qui se reconnaissent et sont reconnus comme membres d’un groupe professionnel, ce qui n’empêche pas ce dernier d’être stratifié et segmenté. » (Fusulier, 2011). On peut donner quelques caractéristiques de cet éthos entrepreneurial : une propension au risque, une orientation très forte au travail et un investissement temporel important envers l’entreprise, un leadership héroïque avec la capacité d'engager les autres dans la recherche continue d'opportunités, leur discipline pour poursuivre les opportunités et remettre constamment en question et, si nécessaire, renouveler leur modèle d'entreprise, leur propension à créer des idées innovantes, et leur focalisation sur l'exécution, une maitrise émotionnelle (Bagheri & Harrison, 2020; Bagheri & Pihie, 2011; McGrath & MacMillan, 2000). De nombreux travaux démontrent le poids de ces normes genrées au masculin sur les parcours, les décisions et les actions des entrepreneures (Gupta et al., 2009), mais également sur la façon dont on comprend et perçoit l’entrepreneuriat ; le masculin devient alors la mesure hégémonique de l’entrepreneuriat et des entrepreneures (Dean & Ford, 2017; Hechavarria & Ingram, 2016; Hughes et al., 2012). Pourtant, certains évènements peuvent venir ébranler et bousculer cet éthos et ces normes sociales professionnelles. Ainsi, le contexte de la crise du COVID-19 a créé une situation unique en son genre en modifiant profondément et, de façon soudaine, le contexte. Une situation de crise est intéressante car elle bouscule les individus dans leurs schémas établis, les oblige à remettre en question les routines établies, voire leurs représentations (Cope, 2003). Des auteurs, comme Cope (2003), approchent la crise en montrant la dimension d’apprentissage qu’elle peut susciter chez l’entrepreneur.e, un moment déclencheur de nouvelles représentations et de nouveaux comportements. De même, Portuguez Castro et Gomez Zermeno (2020) montrent comment cette période de tension peut permettre l’acquisition de postures de résilience bénéfiques à l’entrepreneur comme à l’entreprise. Dans cette communication, nous nous intéresserons donc à la façon dont un contexte de crise, ici la crise du COVID-19, est venu influer sur et parfois modifier l’éthos professionnel entrepreneurial, à savoir : les normes professionnelles, les pratiques et les actions de leaders entrepreneur.es. Il s’agit ainsi de comprendre si et comment des représentations professionnelles genrées qui semblent immuables peuvent être bousculées, questionnées voire changées (mais aussi parfois renforcées) par un contexte qui oblige. Nous nous appuierons sur une recherche qualitative menée auprès de 41 dirigeant.es confirmé.es de PME/PMI françaises (15 femmes et 26 hommes) que nous nommerons leaders entrepreneur.es. Lors de ces entretiens semi-structurés menés à partir de septembre 2021 jusqu’en janvier 2022, nous avons interrogé ces leaders entrepreneur.es sur la façon dont ils/elles avaient affronté la crise dans leur entreprise, leurs relations avec leurs employés mais également sur leurs actions et postures en tant que leaders et sur les aspects de conciliation vie professionnelle –vie personnelle dans ce contexte particulier. En analysant leurs pratiques de gestion et de conciliation des temps, leur posture de leadership durant la crise, leurs interactions avec leurs employés, nous pouvons dégager les évolutions ou, au contraire, le renforcement des normes sociales attendues quant à leur représentation de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat. Trois critères ont guidé la constitution de notre échantillon, à savoir une longévité d’au moins huit ans de l’entreprise, une ancienneté dans la fonction de dirigeant.e des répondant.es de la même durée et, enfin, un effectif d’au moins cinq salariés avant la crise sanitaire. Pour la sélection de ces dirigeant.es, nous avons procédé à la sollicitation de réseaux de chef.fes d’entreprises et des chaînes de relations au sein de leurs cercles d’interconnaissance et de leur capital social, dans une logique d’échantillonnage boule de neige (Goodman, 2011; Marcus et al., 2017; Noy, 2008). Pour cette recherche, nous nous situons dans une démarche qualitative abductive privilégiant des allers retours entre les concepts, notre découverte et notre analyse des données. Nos résultats préliminaires permettent déjà d’identifier des pistes de réflexions à travers l’analyse des pratiques quant à l’articulation des temps professionnels et temps familiaux en contexte contraint de confinement. Il apparait que pour certains entrepreneurs un re-questionnement de la place temporelle prise par leur vie professionnelle. Pour d’autres, au contraire, la perspective de danger et d’incertitude tend à renforcer tant auprès de leur famille qu’auprès de leurs salariés la norme du leader héroïque protecteur. On observe également des mouvements parfois convergents ou divergents entre des éthos concomitants, par exemple chez les entrepreneures entre l’éthos du genre et l’éthos entrepreneurial, des influences des comportements attendus du fait d’être une femme qui vont venir teinter les postures adoptées en tant que leaders entrepreneuriales en situation de crise. L’éthos entrepreneurial se trouve alors teinté par l’éthos de genre. Contributions En nous situant dans un moment et un contexte particulier, nous replaçons dans notre analyse l’importance du contexte pour comprendre l’activité et les comportements des leaders entrepreneur.es. A la suite de Henry et Lewis (2023) et de Welter (2011), il s’agit d’explorer à la fois comment l’acte entrepreneurial se met en œuvre et qui est impliqué afin de comprendre le phénomène dans son entièreté. Notre travail vise également à contribuer à la compréhension des effets de « l’éthos professionnel masculin » sur l’entrepreneur.e et ses actions. Il s’agit également de saisir ce qui peut modifier (ou renforcer) des représentations et normes sociales professionnelles ancrées. Ce travail vise donc aussi à identifier des pistes intéressantes de possibles transformations de la représentation de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat. La mixité de notre échantillon permet aussi de comprendre les effets différenciés des rôles sociaux de sexe sur la représentation de l’entrepreneur. Ainsi, il convient de se questionner sur l’articulation voir les frictions entre des éthos comme un éthos de genre et l’éthos entrepreneurial (Fusulier, 2011), pas uniquement dans les cas des femmes dirigeantes mais également dans le cas des hommes dirigeants. Ahl, H. (2006). Why research on women entrepreneurs needs new directions. Entrepreneurship Theory and Practice, 30(5), 595‑621. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1540-6520.2006.00138.x/abstract Ahl, H., & Marlow, S. (2012). Exploring the dynamics of gender, feminism and entrepreneurship : Advancing debate to escape a dead end. Organization, 19(5), 543‑562. Bagheri, A., & Harrison, C. (2020). Entrepreneurial leadership measurement : A multi-dimensional construct. Journal of Small Business and Enterprise Development, 27(4), 659‑679. https://doi.org/10.1108/JSBED-01-2019-0027 Bagheri, A., & Pihie, Z. A. L. (2011). Entrepreneurial leadership : Towards a model for learning and development. 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